Damien LUC - Gilbert DELPLANCQ

L'Avenir Luxembourg (Jérémy Rode)

L'Avenir Luxembourg (Jérémy Rode)

Ishinca

Ishinca

Sommet Ishinca

Sommet Ishinca

Tocllaraju

Tocllaraju

Chopicalqui

Chopicalqui

Sommet du Chopicalqui (6353m)

Sommet du Chopicalqui (6353m)

mercredi 28 juillet 2010

Compte rendu de l'expé

Expédition Pérou 2010

Gilbert Delplancq et moi atterrissons à Lima ce samedi 26 juin après un voyage long mais sans histoires ; nous avons décollé de Bruxelles à 08h00 pour un vol de 2h00 jusqu’à Madrid et ensuite un autre vol de 12h00 jusqu’à Lima. A la sortie de l’aéroport, à 17h30 locale (heure belge – 7h), Rosario, la charmante déléguée d’Aventures Andines, nous attend avec un taxi pour nous conduire jusqu’à notre hôtel, qui se situe dans le quartier Miraflorès, le long de l’océan Pacifique. Premier petit « couac » : nos gsm, qui ne sont pas vraiment récents, ne fonctionnent pas en Amérique, problème de fréquence, paraît-il ! Deuxième petit problème, les commerçants péruviens refusent les Euros et nous n’avons pas emporté de Soles, la monnaie locale ; nous devrons attendre le lendemain pour pouvoir changer notre argent.

Le dimanche 27, après un bon petit déjeuner à l’hôtel, nous reprenons à nouveau le taxi qui nous dépose à la gare de la société « Cruz del Sur » et c’est parti pour 8h00 de bus sur des routes de mauvaise qualité qui nous conduisent à Huaraz, une ville de 160000 habitants, entourée de montagnes majestueuses ; Cordillère Noire à l’ouest et Cordillère Blanche à l’est.
Nous sommes accueillis à Huaraz par Marc Masconi, le responsable de l’agence locale qui organise notre séjour pour le compte de Nathalie Renard, responsable de l’agence « Esprit Nomade »; un peu plus tard, à l’hôtel San Sebastian, nous prenons part au brieffing de l’expé où nous faisons connaissance avec Magno Camones, le grand guide Péruvien qui devait en principe nous accompagner, et avec Koky Castaneda, qui va le remplacer pendant toute la durée de notre séjour.

Lundi 28 juin, c’est parti pour une journée d’acclimatation dans les contreforts de la Cordillère Noire ; la température est agréable et on est content de pouvoir se défouler les jambes après l’épreuve du voyage. Nous supportons plutôt bien l’altitude jusqu’à présent et nous profitons pleinement de cette journée ; les paysages sont fabuleux, le soleil brille, la température est agréable (+/-20°), et notre guide répond toujours avec enthousiasme à nos questions sur la vie des habitants, de la faune et de la flore et sur l’histoire riche de ce pays. Première petite mésaventure : après la descente d’un canyon difficile, je me rend compte que j’ai égaré mon appareil photo ; nous rebroussons chemin et remontons le canyon (environ 200m de dénivelée) et nous retrouvons finalement l’appareil photo après une heure de marche. Nous avons passé une très agréable journée entre 3100 et 3900 mètres d’altitude. Nous rentrons à pied jusqu’à notre hôtel pour une soirée tranquille. Demain, les choses sérieuses commencent.

Mardi 29 juin. Nous quittons Huaraz pour une durée de 7 jours ; nous avons décidé de poursuivre notre acclimatation en effectuant un trek de 2 jours pour atteindre le camp de base « Ishinca » d’où nous avons prévu de réaliser l’ascension de trois sommets. La première journée a commencée par une heure de taxi pour arriver à Cochapampa, la « gare » située en amont du petit village de Pashpa ; A Cochapampa, nous laissons le plus gros des bagages qui vont être transportés à dos de mulets jusqu’à notre premier campement. Gilbert, Koky et moi prenons un bon sentier qui conduit au camp de base, mais nous l’abandonnons rapidement pour monter dans la forêt jusqu’au lac Urus, à 4100 m d’altitude. C’est là que nous faisons connaissance avec Eduardo, notre cuisinier qui dorénavant va nous accompagner jusqu’à la fin de notre séjour. Après un petit pique-nique, nous redescendons un sentier jusqu’à une grande prairie naturelle traversée par un torrent ; c’est là, à 3850m d’altitude que nous montons les tentes pour notre première nuit de camping. Une petite pluie fine et désagréable va nous accompagner une bonne partie de l’après-midi ; dès que le soleil se cache, la température chute brutalement. Gilbert et moi passons une mauvaise nuit, l’altitude sans doute ! Nous nous remettons en route le mercredi 30 après le petit déjeuner et le séchage des tentes ; nous arrivons en fin de matinée au camp de base où le gardien du parc national du Huascaran nous demande de s’inscrire dans le registre du parc. Nos bagages nous rejoignent bientôt, toujours transportés par les mules ; nous montons les tentes et à nouveau, le ciel se couvre de nuages et c’est reparti pour une après-midi sous la pluie ; nous sommes à 4350m d’altitude et lorsque le soleil se cache, il fait très frais ; nous nous félicitons d’avoir investis dans une veste en duvet de bonne qualité. Nous sommes rejoints au campement par Tito, porteur d’altitude de 1ère catégorie, tout comme notre cuisinier d’ailleurs, qui lui aussi va désormais nous suivre jusqu’au bout de notre périple. Au camp de base, nous faisons également connaissance avec un couple de français très sympathiques qui redescendent de l’Urus qu’ils ont réussis péniblement malgré la semaine de trek qu’ils ont réalisés en guise d’acclimatation. Ils sont accompagnés par le guide Magno et nous réalisons que ce sont eux qui nous ont piqués « notre » guide.

Jeudi 1 juillet ; Lever à 3h30, le ciel est dégagé, il ne fait pas trop froid ; petit déjeuner et préparatifs nous prennent trois quarts d’heure et nous nous mettons en route à la lueur de nos frontales pour amorcer une longue montée raide dans les moraines qui dominent le camp de base. Notre objectif est d’atteindre le sommet du Nevado Urus, qui culmine à 5495m d’altitude ; 1200 m de dénivelée dans du rocher techniquement facile et des pentes de bonne neige, que nous allons effectuer en 4h20 de montée, malgré la difficulté de respirer à cette altitude ; c’est une bonne performance pour nous, mais comme nous dit le guide avec un petit sourire : « ce n’est pas pour autant un exploit ». Mis à part la fatigue due à la difficulté de respirer, nous ne ressentons pas d’autres effets de l’altitude. Le soleil nous gratifie généreusement de sa lumière et de sa chaleur, le paysage est magnifique sur les montagnes avoisinantes, et nous pouvons à loisir contempler nos futurs objectifs que sont le Nevado Ishinca et le Nevado Tocllaraju. Après une descente fatigante mais sans problème, nous retrouvons nos tentes au camp de base, et pour changer, ce n’est pas de la pluie que nous allons avoir cet après-midi, mais du grésil ! Nous arrivons à prendre une douche chaude dans un refuge construit en pierres à cet endroit sur l’initiative d’une section du Club Alpin Italien. Nous constatons que nos compagnons péruviens font leurs ablutions dans le torrent glacé qui traverse le camp de base, brr !!!
Bilan de cette journée : première ascension d’un sommet de 5000 pour moi (Gilbert était déjà monté plus haut au Népal), et constatation que la forme physique et le moral sont au rendez-vous pour tous les deux. Nos deux Français arrivent finalement au camp de base après avoir réussi l’ascension de l’Ishinca qu’ils ont trouvé « facile », par rapport à l’Urus.

Vendredi 2 juillet : mauvaise nuit sous tente, pour ne pas changer ; lever à 3h00, départ à 4h00 pour une longue marche d’approche en direction de notre deuxième objectif, l’Ishinca (5530m). Après un bon sentier, nous nous refroidissons très vite en remontant des moraines prises par le gel et nous arrivons finalement au pied du glacier au lever du jour ; après avoir franchi un ressaut glacière d’une trentaine de mètres à 60° où notre technique de progression en « pointes avant » est mise à l’épreuve, nous remontons de belles pentes de neige dure jusqu’au ressaut sommital, pente raide en mauvaise neige que nous remontons en deux longueurs de corde avec relais sur pieux à neige ; le sommet est atteint vers 10h30, soit plus de 6h00 de montée ; c’est un horaire trop lent, Gilbert et moi ne sommes pas trop dans nos assiettes aujourd’hui, nous ressentons les effets de l’altitude beaucoup plus fort que la veille à l’Urus (légers maux de tête, pertes d’équilibre, envies de dormir,…) rien de grave mais cela a rendu l’ascension très pénible. Le sommet est très effilé et le panorama est de toute beauté, la vue, sur 360° nous offre une enfilade de sommets élevés et notre regard plonge sur les lacs glacières de couleur turquoise jusqu’aux agglomérations de fond de vallée.
Après une pause d’environ 20 minutes au sommet, où nous savourons la réussite de notre deuxième « 5000 », nous entamons la descente par un autre versant de cette belle montagne ; une descente de toute beauté, facile, dans des pentes de bonne neige bordées de crevasses et de séracs majestueux, jusqu’à prendre pied dans les moraines où nous pouvons enfin nous débarrasser de nos crampons. Le reste de la descente dans les moraines instables témoins d’une glaciation récente (+/-250 ans), et ensuite sur le bon sentier qui rejoint la vallée, confirment notre fatigue anormale ; nous arrivons au camp de base vers 15h30 complètement abattus et notre guide nous propose de modifier la suite du programme : il était initialement prévu de monter le lendemain installer le camp 1 (camp moraine) du Tocllaraju ; il nous propose de prendre un jour de repos que nous récupérerons en effectuant la descente du Toclla en un jour au lieu des deux jours prévus dans le programme. Nous acceptons ce plan sans nous douter qu’il allait être lourd de conséquence et qu’il allait en fin de compte indirectement changer toute la suite de notre programme. Le soir, sous la tente mess, on débouche une bouteille de vin péruvien pour fêter la réussite des deux premiers sommets avec notre guide, le cuisinier, l’aide cuisinier et le porteur (ça ne fait pas beaucoup de verres par personne !)

Samedi 3 juillet : Lever tardif, sauf pour moi qui n’arrive pas à rester dans la tente lorsque je suis réveillé, et petit déjeuner succulent (omelette au bacon et tomates) ; vers 8h00, le soleil vient nous réchauffer l’échine, et je l’accueille en pensant au peuple Inca qui vivait jadis sur ces terres et qui adoraient le dieu Soleil : comme c’est compréhensible !
Nous allons mettre à profit cette journée de repos pour découvrir les alentours de cette vallée de l’Ishinca ; nous choisissons comme objectif, sur les conseils de notre guide, un belvédère qui domine notre camp de base d’environ 200 mètres ; il est le sommet d’une ancienne moraine qui semble avoir été coupée en deux par un effondrement d’une ampleur extraordinaire ; nous atteignons cette crête morainique après seulement une heure de marche et nous regrettons presque de ne pas avoir continué directement en direction du Tocllaraju ; en effet la forme physique semble étrangement revenue après une « bonne » nuit de repos. Nous avons bien choisi notre belvédère, la vue est surprenante et me donne l’idée de réaliser une petite vidéo qui relate le début de notre séjour, tout comme d’ailleurs j’avais déjà filmé un tour à 360° de chacun des deux sommets que nous avions gravis les jours précédents ; malheureusement, on ne verra jamais le résultat de ces trois vidéos car elles seront effacées plus tard par mégarde. Nous avons flânés quelques temps à proximité des cairns qui embellissent encore cet endroit, puis nous sommes redescendus tranquillement pour le repas de midi ; nous avons profité de l’après-midi pour nous reposer réellement.

Dimanche 4 juillet ; démontage et séchage des tentes et nous partons en direction du camp moraine du Tocllaraju ; nous remontons un sentier qui louvoie dans une ancienne moraine et qui devient raide ; la chaleur de cette matinée rend nos efforts assez pénible mais nous ne mettrons que 2h20 pour atteindre l’emplacement du camp, à 4950m d’altitude, où le cuisinier et le porteur qui nous avaient précédés avaient déjà commencé le montage des tentes d’altitude. Il y a du monde ce soir au camp moraine ; nous faisons connaissance et apprenons que trois cordées veulent s’attaquer à la prestigieuse face ouest du Toclla (trois Slovènes qui campent plus bas sur la moraine, deux Colombiens, et un aspirant guide Péruvien avec son client Anglais ; deux autres cordées composées de quatre Français, et nous-même comptons gravir le sommet par la voie normale.

Le lundi 5 juillet, départ vers 2h00, nous constatons que deux cordées sont déjà haut dans la face ouest ; tout en marchant, nous suivons leur progression à la lueur de leurs frontales. Il devait être environ 4h30 et nous allions atteindre l’arête, vers 5500m d’altitude, lorsqu’un bruit incongru venant de la face ouest nous fait tourner la tête ; nous constatons avec horreur que la deuxième cordée engagée dans la paroi vient de dévisser et dévale la pente de glace raide à une vitesse vertigineuse en direction de la rimaye. Le guide nous informe qu’il s’agit des Colombiens et nous allons devoir nous mettre à leur recherche car il est possible qu’ils soient encore en vie. Nous appelons à la rescousse les autres cordées qui se trouvent sur la montagne et notre guide retrouve les Colombiens après moins d’une demi-heure ; ils sont toujours vivants après une chute de près de deux cent mètres qui les a propulsés au-delà de la rimaye ; leur glissade infernale s’est terminée dans une combe en contrebas. Ils sont toujours encordés ; le premier de cordée, à l’origine du dévissage, n’est que légèrement blessé, il a perdu du sang mais ce ne sont apparemment que des blessures superficielles au visage, par contre il a très mal à une jambe et se trouve dans l’incapacité de se déplacer par ses propres moyens ; il ne cesse de nous remercier par des « muchas gracias amigos » ; le second de cordée est quant à lui beaucoup plus mal en point, il est inconscient et a reçu un choc violent à la tête ; nous ne savons pas si le reste du corps a également souffert de la chute. Après avoir alerté les guides d’Huaraz via Magno qui se trouvait dans un autre secteur avec ses clients, nous apprenons que nous ne pouvons pas compter sur l’intervention d’un hélico, mais qu’une cordée composée de six guides prenait immédiatement le départ d’Huaraz pour monter à pied avec des brancards ; évidemment cela va prendre énormément de temps ; Koky commence à organiser le sauvetage des deux blessés avec les personnes présentes (les quatre Français et nous) ; nous sommes heureusement très vite rejoint par les Slovènes, qui par une chance extraordinaire, sont secouristes en montagne ; avec Koky, ils prennent rapidement les choses en main, et après quelques « cafouillages » bien légitimes dans ce genre de situation, et l’arrivée de l’aspirant et de son client qui ont redescendus la face ouest en abandonnant quatre pieux à neige, nous pouvons enfin commencer la descente dans la neige avec des sacs à dos, vidés de leurs contenus, en guise de traîneaux pour transporter nos blessés. Nous sommes en tout douze alpinistes de cinq nationalités différentes pour secourir deux alpinistes d’une sixième nationalité. Les deux cents premiers mètres en traversée dans une neige profonde a été très pénible et très lente et le Colombien qui était conscient a même fait une tentative pour se mettre debout et essayer de marcher ; cette tentative sera infructueuse malgré que les Slovènes lui ait convenablement immobilisé la jambe avec des pieux à neige, et nous le replaçons sur les sacs pour poursuivre la descente. La suite de notre progression s’est effectuée assez rapidement, malgré le franchissement d’un ressaut vertical délicat et après une traversée difficile entre des séracs. Nous avons rejoint le camp moraine après une dernière pente de neige raide et avons installés les deux blessés sur un rocher où un groupe de Slovènes, dont un médecin, ont commencé à soigner les plaies en attendant l’arrivée des secouristes officiels. A partir de cet endroit, il faut en effet descendre une moraine de gros blocs et ceci s’avérait vraiment problématique sans l’utilisation de brancards. Il fallait dès lors attendre l’arrivée de ceux-ci et notre guide nous a demandé de démonter le camp et de redescendre au camp de base avec le cuisinier et le porteur car notre présence n’était plus nécessaire ici. Les Français ont faits de même. Un peu avant d’arriver au camp de base, nous avons croisé les secouristes qui montaient à un train d’enfer, chapeau bas pour leur dévouement à secourir des personnes qui n’avaient pas recourt à leurs services, sans se préoccuper de savoir si les victimes de l’accident sont assurés pour les indemniser de cette journée. Les guides aidés par les Slovènes sont redescendus au camp de base vers 17h30 avec les blessés ; le chef des secouristes nous remercié en nous serrant la main et ce petit détail m’a fait très plaisir ; ils ont poursuivis la descente après avoir placé le moins blessé des deux sur un mulet pour redescendre jusqu’au village de Pashpa où les attendait l’ambulance. Ils sont arrivés à l’hôpital d’Huaraz en début de soirée, dans un état stationnaire. Nous apprendrons le lendemain que le blessé grave a été transféré directement à l’hôpital de Lima et ensuite rapatrié en Colombie par un avion sanitaire. Nous n’en savons pas plus sur son état de santé à l’heure actuelle.

Pour Gilbert et moi, c’est l’heure du bilan ; cette journée nous a bien éprouvé et nous sommes conscient que non seulement nous avons raté notre premier « 6000 », mais qu’en plus nous ne sommes pas suffisamment acclimatés pour attaquer notre prochain objectif qui n’est autre que le Huascaran, plus haut sommet du Pérou avec ses 6760m d’altitude ; le risque d’échec qui en découle nous mets la pression car jusqu’à présent, nous n’avons encore réalisé l’ascension que de deux sommets de 5000m et la réussite du Tocllaraju (6030m) devait nous aider à appréhender le Huascaran avec une certaine légèreté d’esprit. Nous ne prenons pas de décisions pour l’instant, remettant cette inévitable discussion à demain ; la nuit porte conseil.

Mardi 6 juillet : nous démontons le camp de base et c’est avec regret que je quitte cet endroit où nous nous venons de passer 7 jours riches d’aventures et d’émotions. La descente sous le soleil est agréable, nous prenons notre temps pour profiter pleinement de cette nature si différente de notre belle région ardennaise. Au village de Pashpa, le taxi nous attendait déjà ; c’est dommage car nous aurions bien voulu nous y attarder quelques heures pour saisir la vie des habitants des hautes vallées. Nous embarquons dans le taxi qui nous dépose une heure plus tard devant la grille de notre hôtel ; retour à la civilisation pour un repos bien mérité dans un bon lit. Le soir, Koky nous rejoint à l’hôtel pour discuter de la suite de notre programme ; nous sommes à la moitié de notre séjour.

Mercredi 7 juillet. Notre décision est prise : nous nous sommes décidés pour le plan B, c'est-à-dire que nous abandonnons le projet Huascaran au profit du Chopicalqui, prestigieux sommet de 6360m d’altitude qui, bien que moins haut que le Huascaran, présente une escalade d’une qualité technique supérieure à ce dernier ; ce choix a été dicté par 3 critères : tout d’abord le risque d’échec lié à l’altitude vu notre acclimatation incomplète, ensuite après consultation du patron de l’hôtel qui a exercé la fonction de guide pendant 25 ans et qui fait office de « sage » dans la région, le Huascaran est particulièrement exposé aux chutes de séracs cette année ; la troisième raison est que notre équipement est un peu « juste » pour affronter les températures glaciales de ce mastodonte, plus particulièrement les chaussures. Allons donc pour le Chopicalqui, d’autant plus qu’il nous avait été «chaudement » recommandé par Alain Thomas, chef de l’expédition du Club Alpin Belge, qui avait réalisée il y a une dizaine d’années une expédition exemplaire où les sommets de l’Urus, de l’Ishinca, du Tocllaraju et enfin du Chopicalqui avaient tous été gravis sans le recours d’un guide. J’en profite d’ailleurs pour remercier Alain, ainsi d’ailleurs que Pierre Ciparisse, pour les conseils et tuyaux divers qu’ils nous ont donnés avant notre départ.

La journée de repos n’a finalement eu de repos que le nom ; en effet, une multitude de petites tâches nous attendaient : lessive, achats divers (piles, cadeaux, cartes postales,…) téléphone à la famille, connexion au blog de l’expé pour lire les messages d’encouragement envoyés par la famille et les amis, rédaction d’un petit résumé de cette première semaine,…dégustation d’un bon petit verre à la terrasse d’un resto tenu par un belge ! etc…

Jeudi 8 juillet à 7h30, c’est le départ pour trois heures de taxi se terminent le long d’une route en lacets en amont du camp de base de Cebollapampa, vers 4100m d’altitude. Nous apprenons que deux alpinistes Espagnols se sont fait prendre hier par une énorme avalanche qui a balayé toute la face sud du Chacraraju, qui se trouve juste en face de nous, et personne ne sait encore ce qu’ils sont devenus. Nous ne nous arrêtons pas au camp de base et nous nous mettons en route pour atteindre directement le camp moraine du Chopi, à 4950 m d’altitude, et nous arrivons après environ 5 heures de marche avec la chaleur, les mouches qui piquent, et un sac à dos trop lourd. L’emplacement du camp semble bien choisi, au pied d’une imposante falaise et tout proche du glacier, situé en contrebas, où nous pouvons nous approvisionner en eau de fonte, cependant très limoneuse. Par deux fois, l’avalanche balaye à nouveau toute la face sud du Chacraraju et nous apprendrons par la suite que les cordées de secours venaient juste de récupérer les corps sans vies des deux Espagnols lorsque la première des deux avalanches est descendue ; un nouveau drame a été évité de justesse. Le soir, nous sommes occupés à manger à la lumière de nos frontales, assis en cercle sur des blocs de rochers, lorsque soudain un vacarme assourdissant nous fait sursauter : une avalanche vient de se déclencher tout prêt de notre campement, et avec l’obscurité et les échos, il nous était impossible de deviner sa trajectoire ; un porteur venu en renfort dans notre équipe, s’est sauvé en courant en direction de la barre rocheuse qui surplombe notre camp, avant de se retourner et de constater que personne d’autre ne l’avait suivi, cela sous le regard moqueur des autres Péruviens, pour qui sans doute, l’incident est banal. Il semblerait que l’avalanche soit partie de la zone de séracs que nous devons franchir demain, et qu’elle soit passée derrière la falaise qui nous a donc sans doute protégé. Après ces petites frayeurs, nous nous endormons pour une nuit sous tente à près de 5000 m d’altitude et nous dormons d’autant moins que les avalanches se font entendre une grande partie de la nuit, et aussi parce que, cette nuit et les suivantes, nous allons dormir à trois personnes par tente.

Vendredi 9 juillet : Démontage du camp et départ avec un sac toujours plus lourd ; on remonte d’abord une moraine (pour changer !) et ensuite on entre dans un système de séracs qui tentent à nous ramener continuellement vers la falaise de la rive gauche d’où se détachent presque continuellement des chutes de pierres ; une petite glissade sur la glace pour tester les compétences de mon guide a enrayer une chute, et aussi pour me souvenir qu’il ne faut jamais se promener sur un glacier manches courtes sous peine d’y laisser quelques gouttes de plasma et nous arrivons finalement en amont de la chute de séracs où un replat neigeux va nous accueillir pour y passer la nuit ; nous sommes à 5400m et nos Péruviens sont déjà entrain de déblayer la neige au piolet pour installer les deux tentes d’altitude. C’est notre première nuit sous tente dans la neige (encore une première !) et c’est plutôt cool ; l’ambiance est austère et nous nous sentons bien malgré que nous sommes très fatigués. J’en fais la remarque à Koky qui nous propose de redescendre pour remonter sur l’autre versant afin de réaliser l’ascension du Pisco, sommet de 5700m moins difficile que le Chopi ; que nenni, pas question d’abandonner et encore moins pour remonter de l’autre côté après ; nous sommes bien décidés à donner la maximum de nos forces pour réussir cet imposant sommet, c’est notre dernière possibilité de réussir un 6000 et il faudrait nous enchaîner pour nous empêcher d’y aller.

Samedi 10 juillet : Lever à 1h00, départ à 2h00 après un bon petit déjeuner préparé par notre cher Eduardo ; le ciel est couvert, il ne fait pas très froid et ce n’est pas bon signe ; dès les premiers mètres, on sent qu’on va en « baver », le souffle est court et les pentes sont raides ; nous marchons lentement mais sûrement ; nous sommes seuls aujourd’hui sur la montagne ; le ciel tarde à se dégager mais nous ne nous en inquiétons pas outre mesure, cela s’était déjà produit lors de l’ascension de l’Ishinca. Gilbert s’était amusé la veille à compter le nombre de ressauts qui jalonnent l’arête, mais nous nous rendons vite compte que la perspective du camp 2 lui donnait une vision bien optimiste du cheminement supposé ; après quelques heures de montées éreintantes dans des pentes d’inclinaison moyennes, nous nous heurtons à une rimaye surmontée d’un couloir incliné à +/- 60° que nous remontons en trois longueurs de corde exposées où la neige est instable ; nous enfonçons parfois jusqu’à mi-cuisses et avons la désagréable impression, parfois fondée, de faire trois pas pour redescendre de deux !!! Nous arrivons finalement à bout de ce ressaut pour faire face ensuite à des pentes toujours raide qui finalement nous permettent de dépasser l’altitude de 6000 mètres ; nous arrivons à une épaule, d’où nous pouvons admirer dans la brume, le ressaut sommital du Chopicalqui, magnifique dôme de neige qui domine notre paysage. Le ciel ne s’est toujours pas dégagé et en plus il neige ; la température est plutôt agréable à cette altitude. Nous abandonnons nos sacs à dos pour poursuivre l’ascension ; celle-ci commence par une rimaye dont la lèvre supérieure surplombe de plusieurs mètres la lèvre inférieure ; le guide tente de visser une broche à glace pour protéger sa progression mais celle-ci ne tiens pas, il l’enlève d’une simple traction de la main ; finalement, il longe la rimaye vers la droite jusqu’à l’endroit où celle-ci est recouverte d’un pont de neige solide et nous pouvons nous remettre en route pour cette dernière partie aérienne qui se termine par l’arrivée sur le sommet effilé du Chopicalqui. Il est 9h00 et la visibilité est nulle, il neige toujours et nous sommes à la fois heureux d’être là, mais aussi frustrés de ne pas pouvoir admirer le panorama magnifique que l’on devrait voir de ce haut sommet de la cordillère. C’est la souffrance de la montée sans la récompense, mais soit, c’est aussi ça la montagne !

Malgré que le temps est compté pour la descente, j’ai quand même le droit d’allumer une pipe au sommet ; quelques minutes seulement et on entame la descente qui s’annonce périlleuse en raison de la neige fraîche et du manque de visibilité. Tout se passe bien cependant, notre guide fait preuve d’une grande dextérité et il semble satisfait du comportement de ses clients ; la descente est rapide et bien coordonnée malgré quelques hésitations sur l’itinéraire à suivre. Nous arrivons en vue du camp 2 où Eduardo et Tito guettent notre venue ; nous faisons de grands signes auxquels nos amis répondent avec ferveur ; nous nous doutons bien qu’ils sont restés toute la journée en « stand by » avec pour mission de venir à notre recherche si nous ne rentrions pas dans les délais prévus ; ils nous accueillent à bras ouverts en nous félicitant très chaleureusement pour notre réussite ; cela nous touche beaucoup ; ils nous avaient préparés des boissons chaudes (chocolat, thé et café) et c’est avec délice que nous profitons de ces moments de pur bonheur. Les tentes sont bien vite démontées et nous nous remettons en route pour redescendre les séracs et regagner le camp moraine que nous réinstallons pour y passer la nuit. Nous avons en effet décidé de prendre notre temps pour la descente car nous ne comptons plus effectuer d’autres ascensions et nous avons un jour d’avance sur le programme initial de la conquête du Huascaran. Après une nuit toujours bercée par le bruit des avalanches et un réveil brutal suite à un tremblement de terre très court mais puissant et immédiatement suivi d’une énorme avalanche en provenance de la face ouest de « notre » montagne, nous avons pris tout notre temps pour déjeuner et démonter le camp ; le soleil était déjà haut dans le ciel ce dimanche 11 juillet lorsque nous avons repris le sentier pour redescendre jusqu’à Cebollapampa où de la nourriture avait été déposée à l’aller. Nous installons les tentes pour la dernière fois de notre séjour et nous débouchons à nouveau une bouteille de vin rouge pour fêter notre dernière soirée avec nos compagnons Péruviens. Le lendemain matin, toujours levé avant mes compagnons, je me suis offert une petite balade matinale de 200 m de dénivelée pour m’imprégner une dernière fois de toute cette splendeur et profiter d’être seul pour faire mes adieux à cette petite partie du monde que je ne reverrai peut-être jamais.

Nous sommes rentrés à Huaraz le lundi 12 juillet en début d’après-midi, après avoir attendu en vain un taxi qui nous attendait en fait au camp de base du Pisco. Le soir, Koki nous a « guidé » dans la ville pour nous faire visiter les endroits les plus branchés d’Huaraz. Le lendemain, nous avons poursuivi notre visite de la ville et le mercredi 14, nous reprenions le bus en direction de Lima où la brume était toujours là pour nous accueillir. Nous avons profité de cette dernière journée au Pérou pour visiter Miraflorès et se balader le long de l’océan. Nous reprenions l’avion jeudi soir et après une escale à Madrid, nous avons finalement atterri à Bruxelles vendredi soir où des amis nous attendaient pour fêter notre retour.

samedi 17 juillet 2010

Et voila, on est rentré en Belgique vendredi soir après un voyage interminable; on est fatigués mais en pleine forme. Je vais essayé de mettre quelques photos sur le blog ce week-end. c'est Marie-Claude qui est venu nous chercher a l'aéroport et on a eu la grande surprise d'être accueillis également à la sortie de l'avion par Claudio et Monique qui nous ont offert la "Voie de la Jup"; merci les amis.

jeudi 15 juillet 2010

Bonjour les amis,
on est revenu dans la grisaille de Lima mercredi soir, on reprend l´avion ce jeudi a 19h55. Tout va bien.
A bientot.

mardi 13 juillet 2010

Hello la compagnie, on est redescendu a Huaraz ce lundi 12; on est parti le jeudi 8 juillet en direction du Chopicalqui, on a atteint directement le camp 1 (camp morraine) pour y passer la nuit. On est monte au camp 2 vendredi et on a reussi l'ascension du Chopicalqui le samedi 10 juillet; on a atteint le sommet a 09h00 du matin; toute l'ascension a eu lieu dans le mauvais temps (visibilite presque nulle, il neigait mais il ne faisait pas trop froid). On est ensuite redescendu au camp 2 ou nous attendaient les porteurs Peruviens, on a demonte le camp pour redescendre au camp morraine ou nous avons passe la nuit; nous sommes redescendu dimanche au camp de base de Cebolapampa pour notre derniere nuit en montagne.
Nous avons vecu de grands moments dans ces montagnes magnifiques et malgre les changements de programme, nous sommes entierement satisfaits des resultats de cette expedition; le Chopicalqui est un prestigieux 6000 de la Cordillere Blanche et nous sommes tres fiers d'avoir reussi son ascension. Nous devons la reussite de cette expedition a l'organisation sans failles de l'agence "Aventures Andines", merci a l'equipe qui nous a accompagne pendant ces 2 semaines (le guide Koky, le porteur Tito et notre cuisinier Edualdo).
Nous reprenons le bus pour Lima ce mercredi 14 et apres une nuit a Lima, nous reprenons l'avion pour Bruxelles ou nous arrivons le 16 au soir.

mercredi 7 juillet 2010

Bonjour a tous, nous voici de retour a Huaraz. Tout se passe bien la forme physique et le mental sont bons. Voici donc un petit resume cette semaine. On a atteint le camp de base apres 2 jours de trek; on a reussi l'ascension de l'Urus le 1 juillet et aussi reussi l'ascension de l'Ishinca le 2 juillet. On est monte au camp d'altitude du Tocllaraju le 4 et commence l'ascension du Toclla le 5 juillet a 2h00 du matin, apres avoir realise un peu moins de la moitie de l'ascension, on a vu une cordee de 2 alpinistes colombiens se "viander" dans la vertigineuse face ouest du Toclla, pour nous cela signifiait l'abandon du sommet pour partir avec notre guide a la recherche des victimes. Notre guide les a rapidement retrouves et ils etaient encore en vie apres une chute de plusieurs centaines de metres dans une pente de glace raide. Tous les alpinistes qui se trouvaient sur la montagne sont venus a la rescousse et c'est finalement grace a l'effort de 12 alpinistes de 5 nationalites differentes que les 2 colombiens ont pu etre redescendu jusqu'au camp morraine(500m de denivelee dans la neige, crevasses et seracs), ils ont ete ensuite pris en charge par des guides montes a pied avec des brancards, ils sont arrives a l'hopital d'Huaraz en soiree dans un etat stationnaire. Sacree journee...
Cet evenement a completement modifie la suite de notre programme car le sommet du Toclla constituait l'etape finale de notre acclimatation pour le Huascaran. Nous devons donc abandonner le Huascaran pour nous donner a fond dans l'ascension du Chopicalqui (6360m), c'est le choix le plus raisonable vu les circonstances.
Nous prenons le depart ce jeudi 8 juillet a 07h30 du matin.

P.S.: Un tout grand merci pour tous vos commentaires qui nous vont droit au coeur.
A bientot

Gilbert et Damien.

mardi 29 juin 2010

Nous avons passe une bonne nuit mais tres courte (reveil a 05h00). douche, petit dejeuner et ensuite on est parti pour notre premiere journee d'acclimatation, depart a 08h10 pour une "balade" de 06h00 a 3850 m d'altitude, on est en pleine forme, notre organisme a l'air de bien supporter l'altitude en tout cas jusqu'a present.
On attaque les choses serieuses ce 29 juin a 07h30 du mat (14h30 en Belgique) et c'est parti pour une semaine sans redescendre dans la vallee, donc vous risquez de ne pas avoir de nouvelles jusqu'au mercredi 7 juillet.
On pense a vous tous.
A+

lundi 28 juin 2010

Bonjour les amis, on a effectue le trajet en bus de Lima a Huaraz, 8 heures de routes peruviennes (dur!!!); le voyage s'est quand meme bien passe et l'organisation des transferts est super top. Sinon il fait plutot chaud malgre qu'ici c'est l'hiver, on se promene le soir en t-shirt a 3000 metres d'altitude. Ce lundi 28, les choses serieuses commencent par un trekking sur les montagnes qui surplombent Huaraz. On reviens dans l'apres midi dans la vallee et on passe a nouveau la nuit a l'hotel ou nous avons deja mange un bon steak frites a la belge.
P.S. Etant donne que nos gsm ne fonctionnent pas ici, je profite du blog pour souhaiter un super bon anniversaire a Karine, pleins de bisous.
A demain pour de nouvelles aventures.